Les relations sociales autrement
16 mai 2017
La loi crée les conditions d’une modification profonde du modèle de relations sociales. Les enjeux pour notre économie sont majeurs.
L’antagonisme et l’usage du rapport de forces sont consubstantiels au mouvement syndical né de la volonté d’améliorer la situation du salariat. Le principe de faveur garantissait que le rapport de forces dans l’entreprise ne pouvait pas s’avérer défavorable aux salariés. Ces postures demande/résistance ont alimenté un procès d’intention réciproque : les représentants du personnel ne se soucieraient pas des réalités économiques et l’employeur mettrait en avant des prétextes économiques pour freiner les revendications. En 2004 les textes ont renforcé une mutation des relations sociales engagées en… 1982. Est établi le principe qu’un accord d’entreprise peut déroger pour l’essentiel aux accords nationaux, dans un sens moins favorable au salarié et, en matière d’aménagement du temps de travail, la loi du 20 août 2008 a donné la priorité à l’accord d’entreprise sur l’accord national. Enfin, la loi du 14 juin 2014 a ouvert la possibilité de déroger aux fondamentaux du contrat de travail, pour une durée de trois années (cinq depuis la Loi Macron), dans le cadre des accords d’entreprise de maintien dans l’emploi.
Il est par conséquent aujourd’hui possible par accord, au niveau de l’entreprise, de déterminer l’essentiel du statut collectif des salariés, pour une large part dans un sens moins favorable aux salariés que la loi ou les accords de niveau supérieur, voire que le contrat de travail. La responsabilité qui est ainsi dévolue aux représentants du personnel est très lourde. Ils ne peuvent pas s’y soustraire. En effet, ne pas recourir à cette liberté conventionnelle est en soi une position qui mérite d’être consciente et argumentée, car les partenaires de négociation sont en mesure d’anticiper les difficultés économiques, de créer les conditions facilitant le succès d’une stratégie, d’espérer être réactifs au point d’éviter les suppressions d’emploi en cas de bouleversement subit du marché, du coût des matières premières ou de l’énergie.
Les rédacteurs de la loi El Khomri ont insisté sur la nécessaire bonne foi des relations sociales
Un D.R.H. me confiait récemment au terme d’une négociation sur les salaires que le leader syndical de son entreprise industrielle, historiquement antagoniste, lui avait glissé à l’oreille ne plus ressentir le besoin de présenter des revendications beaucoup plus élevées que les attentes du personnel. Peut-être est-ce là le signe d’une orientation vers des négociations sociales plus sincères. Dans la même veine, les rédacteurs de la loi El Khomri ont insisté sur la nécessaire bonne foi des relations sociales. La tentation, par exemple sous couvert des vagues migratoires qui nous attendent, d’obtenir des réductions de coûts salariaux serait sanctionnée à terme par une désolidarisation du corps social et probablement par un retour à l’usage massif du rapport de forces.
À l’inverse, la menace prématurée de débrayages peut relever d’une forme de chantage et ne pas s’inscrire dans l’exigence de loyauté et de bonne foi des textes. Une autre position serait de développer la professionnalisation des représentants du personnel, pour qu’ils soient en mesure de négocier en pleine conscience des enjeux de chacune des mesures négociées. Les relations sociales seraient ainsi cohérentes avec l’engagement attendu des salariés, qui n’est pas compatible avec une relation antagoniste, et seraient porteuses de sens. En soutenant la juste adaptabilité de nos entreprises, elles contribueraient à leur profitabilité. Certaines entreprises ont fait le pas, avec succès.
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Jacques Uso
C’est à vous n°44, avril 2017